Ecrit le mercredi 25 février 2009 à 20:09 par Sylvain.
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Et vive la parano anti terroriste des militaires turcs, fevrier 2009 (Toutenmarchant)Nous marchions depuis bientôt près de deux semaines en descendant la rivière Calta Cayi puis en remontant le cours de la Firat Nehri (l'Euphrate), la plupart du temps sur la voie ferrée dans les gorges encaissées ou le long des rives quand la vallée le permettait. Depuis la ville de Divrigi nous traversions une zone décrétée orange par les autorités car toute proche des provinces d’Elazig et de Tunceli ou les actes terroristes sont courants. Du moins les risques étaient très limites en ce mois de février car notre vallée était bordée en direction de ces régions par une longue chaine montagneuse a plus de trois-mille mètres d’altitude, la Munzur Daglari, recouverte d’un épais manteau de neige. Difficile d’imaginer voir déferler des maquisards du PKK par ces montagnes impénétrables ! Jusqu'à la ville d’Ilic nous avions une relative tranquillité puisque la voie ferrée ne desservait que de tout petits villages loins de tout mais par la suite une route suivra plus ou moins le même trace en direction d’Erzincan. Le jour même ou nous quittions Illic, alors que nous traversions un petit bled, le maire de celui-ci appelle de suite les gendarmes avant de venir a notre rencontre pour nous inviter a entrer chez lui. Mais nous déclinerons l’offre histoire de profiter les dernières heures de jour pour progresser dans la vallée ; une demi heure plus tard deux véhicules blindes s’arrete a notre hauteur avec une douzaine d’homme armes armes jusqu’aux dents qui se déploient tout autour de nous avant de réclamer nos passeports ... c’est long, c’est chiant mais on commence a avoir l’habitude de ce rituel depuis le temps, bref en vingt minutes c’est plie et nous pouvons reprendre le cours de notre marche.
Mais le meilleur était a venir : deux jours plus tard, alors que nous étions a vingt-cinq kilomètres de Kemah environ, nous progressions sur la rive opposée de la rivière de celle ou se trouvait la voie ferrée ainsi que la route. Nous avions laisse le dernier pont de la voie ferrée qui franchissait la rivière dix kilomètres plus tôt, le dernier pont routier étant lui quarante kilomètres derrière au niveau d’Ilic, tandis que le prochain était a Kemah même. La marche le long de la rivière s’averait plus compliquée que prévu puisque nous étions régulièrement confronte a des apics plongeant directement dans la riviere. Pour les franchir nous devions grimper par dessus, le plus souvent sur plus d’une centaines de mètres de dénivelles avant de redescendre sur un versant plus favorable. Lors du franchissement d’un de ces apics nous apercevrons sur la rive opposée une caserne de militaires placée stratégiquement sur les hauteurs, et naturellement ils nous remarquèrent également puisque dans les minutes qui suivirent nous vîmes une embarcation de type canoë avec six soldats a son bord s’engager dans le cours d’eau. Le hic c’etait qu’en cette fin février le climat était particulièrement doux et que fatalement la fonte des neiges avait transforme cette rivière en véritable torrent de montagne. Nous étions sur le point de redescendre l’apic quand nous assistâmes a l’echec manifeste de l’equipage pour accoster sur notre rive, le courant était tel qu’ils durent redescendre la rivière sans doute quelques centaines de mètres derrière notre apic. En redescendant, on se dit que forcement, ils ne vont pas en rester la et qu’ils vont sans doute réitérer l’operation ou même tout simplement entrer en contact avec nous depuis l’autre rive, c’est pourquoi nous décidâmes de faire une pause casse-croute juste en face du camps pendant presqu’une heure ... en vain, rien ne se passera. Pour le coup nous repartîmes pour progresser encore quelques km pendant la dernière heure de clarté avant le crépuscule. Vers dix-sept heure nous repérons une zone plate pas trop loin de la rivière et relativement planquée derrière une digue naturelle en pierre et nous entreprendrons de monter nos tentes pour y passer la nuit. Mais alors que nous commencions a peine a déballer, nous entendons des bruits de moteurs familiers sur la route de l’autre cote ... bon, décidément il ne pouvait pas en être autrement et plutôt que de réitérer l’experience de l’assaut nocturne de notre grotte en Cappadoce, nous décidons de leur mâcher le travail en déambulant en évidence sur la digue.
Immédiatement les voitures s’arretent et dans la foulée une douzaine de bidasses en sortent pour se placer en position de tir allonges a même le sol ! Et un gallone se met a aboyer des ordres en turcs dont nous ne comprenons pas le sens, le fracas de la rivière compliquant encore d’avantage la tache. S’en suit un echange un peu désordonné et interminable : eux continuant a hurler des phrases incompréhensibles, nous a repeter successivement en anglais ou en turc « nous sommes français, touristes, nous ne comprenons pas » ... a un moment nous croyons saisir quelque chose comme « yat,yat » (a terre en turc) et nous nous baissons donc. Problème : dans cette position, la digue nous plaçait hors de vue (et de tir) des gendarmes et pour le coup les hurlements devinrent de plus en plus importants avant que silence se fasse. Puis soudainement nous entendons plusieurs coups de feu ! Tirs de sommation mais tirs de fusils mitrailleurs a notre intention quand même ! A nouveau des hurlements en provenance de l’autre rive et nous voila de moins en moins enclins a nous redresser, ça commence a sentir le roussi pour nous ... Et pourtant la nuit commence a tomber et il faudra bien que cette comédie cesse d’autant que les militaires sont plutôt nerveux dans le secteur : pour ce faire nous allions recycler la bannière « No DAL Molin » offerte par des amis italiens huit mois plus tôt (il s’agit d’un drapeau représentant un avion de chasse barre dans un cercle dans un fond principalement blanc avec ce slogan en symbole de leur lutte contre l’implantation d’une base aérienne militaire américaine près de la ville de Vincenza) fixée a l’extremite d’un bâton de marche en guise de drapeau blanc pour l’agiter en direction du peloton. Nous nous relèverons donc par la suite avant de s’avancer, mains en l’air bien évidement, jusqu’au bord de l’eau. Nouvel échange infructueux de part et d’autre mais apparemment ça les a calme et nous comprenons que nous devons attendre qu’ils passent de l’autre cote pendant que quelques soldats nous tienne toujours en joue ... Et quelle attente !
Pres de deux heures a se les geler alors que la nuit venait de tomber a attendre que ces andouilles trouvent le moyen de nous rejoindre de l’autre cote de cette maudite rivière ! Puis vers dix-neuf heure trente les gendarmes nous faisant face tirèrent sur notre rive une fusée éclairante, puis une deuxième cinq minutes plus tard pour signaler notre position a la patrouille en approche vraisemblablement. Belle débauche de moyens pour un contrôle de touristes ! Puis vinrent des hurlements depuis l’arriere; nous allions pouvoir enfin en finir. Nous approchions, les mains en évidence bien entendu, en direction d’une troupe de huit soldats qui nous tenaient en joue avec leurs armes comme s’ils s’attendaient a faire face a un commando terroriste… apres presentation des passeports, l’ambiance se détendit nettement comme a l’accoutumee: les armes se rangèrent, les rangs se rompirent et les visages se décrispèrent. Le commandant en personne de la caserne de gendarmerie de Kemah s’etait déplacé avec ses jeunes appelles de vingt ans mais aussi un soldat plus age et sans arme, un appelle également sorti de l’universite faisant office d’interprete anglophone, ainsi qu’un réserviste d’un village voisin en guise de guide. Ils nous firent remballer nos sacs puis nous invitèrent a nous suivre jusqu'à leurs véhicules gares dans le premier bled accessible par la route. Il nous fallut encore marcher près d’une bonne heure pour atteindre le village de Bogazici en compagnie de notre escorte. A ce propos il était amusant de constater que nos amis militaires n’etaient manifestement pas habitues a ce type d’effort : a l’exception peut être du guide, tous étaient essouffles et degoulinants de sueur au point de réclamer des pauses alors que nous tournions au ralenti avec nos sacs de vingt-cinq kilos sur le dos après toute une journée de marche ! Une fois rendus a la caserne de Kemah, on nous donna des rations militaires a manger pendant que les gendarmes s’affairaient a éplucher nos passeports en détail. Puis nous allions devoir convaincre ces messieurs de nous redeposer le lendemain matin a l’endroit ou ils nous avaient embarque dans leurs fourgons pour rallier Kemah a pied, conformément a notre mode de voyage. Le commandant, médusé par notre projet, acceptera cependant lorsque nous lui expliquâmes que nous étions prêt a retourner sur place a pied s’il le fallait pour ensuite revenir sur Kemah.
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