Ecrit le vendredi 13 février 2009 à 19:49 par Sylvain.
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La vie du rail
La marche hivernale le long de la voie ferree turque de Kangal jusqu'a Erzincan, fevrier 2009 (Toutenmarchant)En s’éloignant de Kangal nous avions une vague idée de l’itinéraire a choisir, tout du moins nous comptions rallier les villes de Divriği puis de Kemah avant d’atteindre Erzincan. Depuis que nous avions quitte Kayseri nous évoluions régulièrement au dessus de mille huit-cent mètres d’altitude mais essentiellement sur des hauts-plateaux, pour la suite la lecture de la carte présentait globalement trois trajets: soit suivre les axes routiers principaux, traverser au plus direct par les montagnes ou alors emprunter consécutivement deux vallées par ou transitait la seule voie ferrée reliant Istanbul a Kars. Nous optâmes pour ce dernier choix. En effet nous nous apprêtions a pénétrer la zone montagneuse a l’Est de la Turquie et même si l’hiver s’avérait moins rigoureux que prévu, les massifs a plus de trois-mille mètres demeuraient difficilement pénétrables a cause de l’enneigement. Après avoir quitte Kangal de nuit suite a notre mésaventure “politico-médiatique”, nous allions rejoindre la vallée du Çaltı Çayı deux jours plus tard au niveau du hameau de Karamehmetli. Nous parviendrons obtenir l’autorisation de passer la nuit dans l’ancienne école du village pourtant déserté, a l’exception du Muhtar (maire de village) et de sa famille. Désormais les localités que nous allions traverser allaient être comparables sur bien des points. De petits villages charmants bâtis autour de gares discrètes, dont l’essentiel des habitants vivent a l’année dans les grandes villes du pays et se retrouvent la pour leurs vacances. Seule une famille, parfois, souvent celle du maire, assurait l’intendance pendant les longs mois d’hiver. Des lors, nous allions essentiellement évoluer le long de la voie ferrée dans une gorge montagneuse et sauvage très sympathique, sans routes bitumées.
Marcher sur le ballast et les traverses n'était pas si pénible en soi, d'autant que la météo était plutôt au beau fixe. Les traversées des innombrables tunnels étroits et plus ou moins longs n'étaient néanmoins pas sans dangers: avec nos gros sacs a dos, pas évident de se plaquer contre les parois quand un train arrive ... c'était un peu comme la roulette russe, même les locaux flippaient quand ils franchissaient ces tunnels ! Un soir, alors que nous allions passer la nuit dans la salle d’attente crasseuse de la petite gare du village portant le nom charmant de « Güneş » (« soleil »), nous allions être confrontes a notre première expérience de vol a la tire. L’objet de ce délit fut, en l'occurrence, le chapeau de Killian qu'un jeune homme du coin trouvait a son gout. Mais le type en question fut vite contraint de ramener le fameux couvre-chef lorsque le téléphone s'est mit a sonner chez lui. Il avait commit deux erreurs. La première a été de nous donner son prénom et le nom de son bled situe a trois kilomètres de la avant de commettre son forfait. La seconde, et non des moindres, fut surtout de nous avoir prit pour des touristes de passage alors que nous allions toujours a la rencontre des habitants, et qui plus est des responsables locaux, avant de nous installer pour une nuit. Il nous a suffit d'aller déranger en pleine nuit un voisin de la gare avec qui nous avions sympathise quelques heures plus tôt pour qu'il aille passer quelques coups de fil. Dans l’heure qui suivit, nous vîmes ainsi revenir le coupable comme un peteux pour rendre son butin et ne pas perdre la face ! Les journees de marches sur un sol instable et irrégulier eurent tôt fait d’affecter notre moral et, accessoirement, nos pieds. Nous profitâmes donc d’une petite icône imprimée sur notre carte sensée indiquer l’emplacement d’un vestige ancien sur les hauteurs pour quitter momentanément le chemin de fer au profit des montagnes. D’autant que la voie ferrée effectuait un long détour avant de gagner Divriği. Nous entamâmes donc une ascension en lacets sur une piste rocailleuse qui, au fur et a mesure de notre progression, se voyait recouverte d’une couche de neige sculptée par le vent en une succession de congères mouillées. Fatigues et surpris par la bruine qui nous détrempait, nous choisîmes de nous rendre jusqu’au village de Dumluca que l’on distinguait dans la brume. Malheureusement, après une longue exploration des lieux, nous dûmes nous rendre a l’ évidence: personne ne vivait ici. Face aux chutes de neiges qui se faisaient plus intenses, il fallut nous résoudre a trouver refuge dans une bergerie humide et crotteuse, seul bâtiment dont l’accès n’était pas cadenasse. Le lendemain, après une nuit fort froide, nous repartîmes dans le brouillard pendant que le vent violent soulevait les particules de neiges qui nous fouettaient le visage. Après quelques heures nous pûmes distinguer au fond de la vallée la ville de Divriği. A cinq-cent mètres des premières maisons nous dépassâmes un tas de cailloux affuble d’un écriteau mentionnant le nom du fameux vestige que nous recherchions depuis deux jours dans les montagnes …
Comme a notre habitude lorsque nous entrons dans une zone urbaine, nous nous présentâmes a la mairie qui nous offra généreusement un abri confortable pour quelques nuits ou nous pûmes bénéficier d’une douche bienvenue. Ce pied-a-terre nous permis de visiter la bourgade, apprécier les belles façades en bois des vielles bâtisses éparpillés ça et la, contempler les ornements sculptes sur les portes monumentales de la Ulu Camii (très ancienne mosquée comprenant en son enceinte un hôpital psychiatrique de l’époque Ottomane) et visiter les vestiges des deux citadelles surplombant la ville. C’est a aussi a l’occasion de notre séjour a Divrği, que nous rencontrâmes Hassan. Ce jeune gérant d’une épicerie se montra rapidement fort intéressé par notre aventure, et nous convia, après la fermeture de son commerce, a partager avec lui un Dürüm arrose de plusieurs bières. C’est au cours de cette soirée que Hassan nous révéla l’existence de la minorité religieuse que constitue les Alevis. Cette branche de l’Islam, très implantée dans cette région de la Turquie, prône un dogme peu contraignant et des rites réduits au minimum. Les Alevis font preuve de tolérance et d’un attachement fort a la laïcité. Nous avions remarque auparavant quelques détails qui auraient pu nous mettre la puce a l’oreille : des villages sans mosquée, des représentations physiques des descendants de Fatima, des femmes peu ou pas voilées qui prenaient part aux discussions et les invitations a partager un verre alcoolise de bière Efes ou de yeni rakı (sorte de pastis local). Nous aurons l’occasion de rencontrer des Alevis pendant encore plusieurs jours, jusqu’au delà d’Erzincan. Ces rencontres nous auront permit de découvrir une nouvelle facette de la Turquie, une approche différence de l’Islam qu’il est rare de pouvoir observer en France. En quittant Divriği, nous allions a nouveau nous engager dans une longue progression sur la voie ferrée, unique voie de communication de cette vallée aux reliefs très contrastes. Il n'était pas rare d’évoluer sur le ballast, coinces entre la falaise et le torrent. La aussi les traversées de tunnels furent nombreuses, même s’il arrivait parfois que des sentiers tailles dans la roche nous permette un contournement. D’autre part, a force de côtoyer la ligne de chemin de fer nous commencions a connaître approximativement les horaires des trains, avantage non négligeable quand il s’agissait d’évoluer dans un tunnel de plus de deux kilomètres ! De temps en temps, tous les dix-quinze kilomètres, une petite cabane aux allures de favela équipée généralement de poël a bois bâtie par les employés de la société de chemin de fer turque (TCDD) nous offrait l’opportunité de nous abriter pour une nuit. Les approvisionnements en nourritures étant inexistants, nous essayâmes d’accommoder nos vivres en stock de manière a les rendre plus appréciables malgré les maigres moyens d’assaisonnement dont nous disposions. C’est ainsi que nous mangeâmes des portions de farine mouillée sucrée, cuites ou non selon les opportunités (si ce n’est pas cuit, mieux vaut avoir la dalle!), arrosée généreusement d’eau chaude sucrée … a consommer avec modération : personnellement, après quelques semaines de ce régime, la simple évocation de ce savoureux plat me retourne l’estomac !
Par la suite nous rejoindrons İliç a partir de laquelle la vallée deviendra, bien qu’encore très sauvage, plus ouverte et plus accessible par voie carrossable. Elle deviendra également beaucoup plus militarisée … nous ferons régulièrement la connaissance de la gente militaire dans le secteur, notamment lors d’un contrôle assez mémorable un peu avant Kemah (a voir dans le carnet « les toutenmarchistes et les forces de l’ordre »). Nous évoluions dans une zone a risque concernant de possibles actes terroristes du PKK et le moins que l’on puisse dire est qu’il n’est pas aise de circuler a pieds avec un sac sur le dos, tellement les « askers » (militaires) et dans une moindre mesure les autochtones sont flippes dans le secteur. Parvenus a Kemah, nous allions pouvoir visiter l’ancien château siégeant sur les falaises qui surplombaient la ville. Une fois rendus sur place, la déception était de mise : pour commencer il ne restait plus grand-chose de la forteresse, quelques pans de murs tenant encore debout ici et la, et puis la caserne de gendarmes plantée sur la falaise opposée, plutôt laide, gâchait la vue. Mais une prospection un peu plus approfondie nous permit de découvrir le véritable intérêt de ce château : son sous-sol. En effet, nous pûmes découvrir tout un réseau de galeries souterraines forts intéressantes, creuses a même la roche ou sous forme de voutes assemblées, qui présentait pas mal de similitudes avec ce que nous avions pu expérimenter un mois plus tôt en Cappadoce. Nous rejoindrons enfin Erzincan au terme d’une marche de trois jours sans grands attraits, puisqu’essentiellement sur la route principale. Seul détail notable : en marchant sur la route qui côtoyait la rivière un dimanche, nous avons fait l’objet d’innombrables invitations de la part de pécheurs pour déguster leurs prises grillées au feu de bois, le tout généralement accompagne d’un ou plusieurs verres de Yeni raki ! Et ce n’était que le début puisque le soir même nous allions pouvoir déguster deux bouteilles de vin qu’un sympathique villageois Alevi tenait a nous offrir alors que nous avions obtenus l’autorisation de passer la nuit dans un salon de thé. Ça nous changeait un peu du sevrage des derniers mois !
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