Ecrit le samedi 22 janvier 2011 à 06:04 par Sylvain.
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mes premiers coups de pedale dans le sud du Taklamakan, Chine part 5 (Xinjiang) Hotan → Karkilik 30/06 → 09/07/2010J’etais devenu cycliste par la force des choses. A vrai dire, je n’avais plus grimpe sur un velo depuis plus de 10 ans, en fait depuis mon accident du travail au genou droit en juin 2000. Une severe luxation de la rotule et surtout l’absence de reeducation m’avait pour ainsi dire interdit la pratique de la petite reine, enfin d’apres les medecins. Mais apres plus de 2 ans de voyage a pied et la perte de plus de 20 kg j’etais en droit d’esperer que ma vielle carcasse ne me trahirait pas ! Les debuts furent laborieux mais finalement j’allais reussir mon pari. Le premier jour, en quittant Hotan, tout allait pour le mieux. Je me suis quand meme vautre par terre a l’arret, mais passe 1h j’etais habitue a l’equilibre precaire de mon velo hyper charge. C’etait meme l’euphorie qui regnait, car les kilometres defilaient a present a une vitesse incroyable pour quelqu’un habitue a la lenteur de la marche. Je traversais meme integralement une longue portion de desert de 70km dans la journee. Trop facile ! Je pedalais a pleine puissance avec aisance grace a mes jambes deja rodees a l’effort. Je me permettais le luxe de doubler plusieurs vehicules lents, incroyable je vous dis ! Au terme de la journee, apres 100km environ au compteur, je m’arretais pour bivouaquer car je commencais a a ressentir une douleur au genou gauche. Probablement un debut de tendinite car je n’avais pas assez bu durant la journee (seulement 4L, autant dire rien du tout pour une journee dans le desert !) fascine que j’etais par ma vitesse de progression. Je me promettais d’ingurgiter plusieurs litres d’eau pendant la nuit mais je m’endormais trop rapidement sans vraiment commencer le traitement. Il faut dire que j’avais regarde la coupe du monde de football la veille jusqu’a 4h du matin ,sur la teloche de mon boui-boui d’Hotan, et je n’avais dormi que quelques heures.
Le lendemain, la sanction ne fit pas attendre: apres 20km la douleur devenait trop intense et bien trop intolerable pour pedaler. Je redevenais de fait marcheur en poussant mon velo a mes cotes. Comme si ca ne suffisait pas, la bequille de ma monture pliait au point de casser en un endroit ou toute soudure etait impossible. De toutes facons, elle ne devait pas etre prevue pour supporter un tel poids et encore moins la repartition plutot haute de celui-ci. Une bonne journee de merde quoi. Heureusement, j’etais sur une tres longue portion agricole et j’ai pu trouver facilement de l’eau pendant toute cete journee. J’ai bu autant que j’ai pu durant la journee et d’avantage encore pendant la nuit en me levant pour aller pisser toutes les heures. Il n’etait pas question de revivre une autre journee de calvaire ! Mes “efforts” furent recompenses car le lendemain la douleur etait tolerable pour pedaler. Pendant 2 jours, je ne prennais aucun risque en ne realisant “que” des distances de 60km de maniere a retarder l’echeance des tres longues etapes de desert a venir. Je buvais quotidiennement plus de 15L d’eau, jour et nuit, pour parfaire la guerision de mon tendon et mon etat s’ameliorait tres rapidement.
Comme je l’avais deja mentionne, les chinois (hans et ouighours inclus) usent et abusent de leur klaxon en voiture. Auparavant je fuyais les routes tant que possible mais desormais j’y evoluais en permanence et en tant que conducteur moi-meme qui plus est. Les chinois n’ont peut etre pas la liberte de s’exprimer mais en ce qui concerne celle de klaxonner, aucune restriction ! C’est peut etre un exutoire, allez savoir. En gros, un conducteur klaxonne quand il y a quelqu’un sur son chemin de plus lent que lui: un autre vehicule, une moto, un tracteur, une charette, un velo, un pieton, une vache, un chien, une mouche, un fantome et que sais je encore. Generalement ca veut dire: “attention je vais passer”, mais souvent suivant l’intensite et la duree du klaxonnage ca veut dire: “degage de la, je n’ai pas l’intention de ralentir ni de faire un ecart, je t’aurais prevenu !”. C’est un peu la loi du plus fort sur les routes chinoises et a ce petit jeu la les chauffeurs de poids lourds et surtout de bus sont les reines des putes ! En plus, le volume des avertisseurs des vehicules chinois sont bien plus eleves que la norme partout ailleurs dans le monde, c’est assez terrible. Les klaxons des camions et des bus ressemblent a des sirenes de paquebot, c’est absolument douloureux pour les oreilles surtout quand ils sont proches. A chaque fois que ces andouilles me doublaient en klaxonnant furieusement, je devais perdre des points d’audition ! Ajoutez a cela les clampins qui pensent que me briser les tympans est le meilleur moyen de me saluer et vous aurez une idee de ce que j’endurais quotidiennement. Bien entendu, reagir ne servait a rien. Ce n’etait pas moi, simple neo-cycliste francais qui allait changer les choses sur les routes chinoises, tout le monde conduit de cette maniere en Chine donc je n’avais rien a dire. Generalement dans 99% des cas je ne bronchais pas tel un sphynx … mais ca m’ennervait de plus en plus au point de devenir furieux et agressif, surtout dans les moments de galere. Dans ces moments la, le vieux demon du conducteur parisien ressurgissait et gare a celui qui me cassait trop les oreilles ou pire me faisait une queue de poisson. Souvent je me deportais sciemment vers la gauche pour obliger l’autre a ralentir et je ne parle meme pas des chapelets d’injures et des gestes obcenes qui jailissaient instinctivement ! Pour ceux qui me faisaient des crasses, c’etait crachat sur les vitres voire coup de pompe dans la portiere, fallait pas me faire chier un point c’est tout !
Au moins dans le desert la circulation etait moins dense et y pedaler devenait presque un plaisir malgre la chaleur suffocante. Passe la localite de Niya justement, je m’engageais pour 300km de desert sans veritable village entre jusqu’a Cherchen. J’allais traverser cette portion en 3 jours pour ce qui reste encore comme un tres bon souvenir de ma courte experience de cycliste. Ma principale preoccupation, comme toujours, fut de trouver del’eau car avec 15L je n’avais meme pas de quoi tenir 2 jours. Mon salut viendra a peu pres a mi-parcours avec une riviere pourtant boueuse a souhait. Filtrer cette eau demandait pas mal d’efforts. Pour commencer, il fallait prelever l’eau dans la riviere sans mettre le pied sur les sables mouvants qui la bordaient. Grace a une bouteille ouverte attachee a une corde et lestee d’une pierre je pouvais progressivement faire le plein. Ensuite je repartais avec mes bouteilles d’eau boueuses pleines sur le velo. Generalement, au bout d’une heure, le sable et la terre avait fini de decanter et je pouvais attaquer le filtrage. Il y avait bien de temps en temps de grosses mares pres de la route mais l’eau y etait systematiquement salee et donc impropre a la conssomation. Plus question de trouver des flaques d’eau de pluies recentes car il ne pleuvait plus du tout depuis plus deux semaines. Quand bien meme le ciel se couvrait regulierement de grosnuages en soiree, pas la moindre goutte d’eau ne touchait le sol meme quand le tonnerre grondait.
Question paysage, le Taklamakan prennait un aspect plus interessant dans sa portion sud-est. Desormais il y avait surtout une steppe de type sahelienne tres peu boisee entrecoupee de secteurs de dunes imposantes. La presence parfois massive de moustiques et de certaines plantes laissait a penser qu’en d’autres saisons la region devenait sans doute marecageuse. A l’arriere plan, on devinait le massif Kun Lun au sud car il etait presque en permanence cache par des nuages. Peut etre 1 fois par semaine, tres tot le matin je pouvais en appercevoir les cimes encore blanchies par la neige. Pendant ces 3 jours, j’allais vraiment faire connaissance avec l’ennemi numero 1 du cycliste: le vent. En fait quand il faisait grand ciel bleu, c’est a dire avec la chaleur suffocante et le soleil de plomb, le vent soufflait de l’est ou du nord-est, de face pour moi donc. Si le vent n’est pas un probleme quand on est a pied, a velo c’est autre chose car l’avoir de face complique sacrement la donne en demandant bien plus d’efforts pour avancer. Quand le vent soufflait de dos, de l’ouest, c’etait que la meteo allait se degrader, generalement pour annoncer une tempete de sable. La forcement tout devenait plus simple, j’etais litteralement porte par le vent et les km deffilaient avec une facilite deconcertante. Il me fallait juste porter un mouchoir sur le visage pour respirer !
Passer de la marche au velo avait forcement boulverse mes habitudes: desormais, non seulement je restais en permanence sur la route mais en plus je maudissais les secteurs en travaux qui me contraignaient a evoluer sur des pistes chaotiques. Marcher en poussant le velo a ses cotes etait loin d’etre facile en particulier pour les bras a cause de l’equilibre merdique a l’arriere, sans parler des pedales contre lequelles les tibias butaient regulierement. De maniere generale, j’avais enormement perdu en liberte de mouvement en contrepartie de ce que j’avais gagne en velocite et en capacite de charge. J’etais tenu de rester sur les routes, et de preference celles en bon etat. Pour trouver un emplacement de bivouac accessible a velo ce n’etait pas toujours simple non plus, a part perdu dans le desert peut etre. L’unique avantage etait que je pouvais toujours prolonger facilement de quelques km supplementaires pour le trouver, ce qui n’etait pas forcement possible a pieds. En tout cas s’il y avait un changement radical a signaler ca serait mes rapports avec les flics: fini les controles ! Sans doute parceque j’etais devenu a leurs yeux bien plus identifiable en tant que cycliste meme avec ma grosse barbe (les pakistannais ou les afghans ne devaient pas faire de velo j’imagine !) et aussi parceque ma vitesse de croisiere me rendait plus insaisissable que du temps ou j’etais pieton. Je traversais generalement en trombe les check-points routiers sans risque de devoir degainer le passeport, la ou autrefois il y avait toujours un gland zélé pour m’appeler dans mon dos apres reflexion alors que je n’etais encore qu’a une centaine de metres !
Apres avoir rejoint Cherchen, je rempilais aussi sec pour 300 autres km de grand vide jusqu’a Karkilik. La gestion de l’eau etait plus facile cette fois-ci car la route longeait une riviere les 60 premiers km et qu’il y avait un village “oasis” 80 km avant Karkilik. J’evoluais tour a tour dans des zones de steppe, de roches, de dunes et de maraicage desseches. La encore pedaler 3 jours dans l’immensite de vastes zones totalement vides fut un reel plaisir, d’autant plus que la circulation routiere etait toujours aussi negligeable (certains jours je ne croisais guere plus de 4 ou 5 vehicules au milieu du desert). Toujours autant de moustiques le soir dans certains secteurs malgre l’absence d’eau, mais aussi des tiques egalement. Elles peuplaient generalement les vieux arbres desseches de la steppe et etaient a l’affut du moindre bout de viande. Un soir, alors que je placais ma tente a une dizaine de metres d’un viel arbre, j’ai vu deferler sur moi des hordes de tiques affamees. Elles etaient faciles a reperer car exceptionnelement grosses mais aussi tres rapides: en quelques secondes j’en avais une bonne vingtaine qui grimpaient sur mon pantalon ! Un conseil, dans ce cas la n’essayez pas de les ecraser (impossible avec les doigts), la flamme d’un briquet sur les mandibules les paralysent instantanément. Il n’y a plus qu’a laisser les fourmis faire le menage ensuite ! Le vent m’aura fait des miseres a nouveau ces jours la. Un vent de face sec et brulant qui plus est, j’avais l’impression d’avoir en permanence un seche cheveux braque sur la gueule ! La chaleur je commencais a m’y habituer sans pourtant la supporter pour autant. De toutes facons je devais faire des pauses ou manger generalement sous le soleil, meme la nuit la chaleur me poursuivait. Je posais ma tente sur un sol surchauffe par le rayonnement solaire de la journee: la pour le coup j’avais l’impression de dormir sur un radiateur jusqu’au petit matin. Arrive a Karkilik mes jours dans le Taklamakan etaient comptes, il n’y avait guere plus de 300km qui me separait des hauts-plateaux du Qinghai.
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