Ecrit le lundi 11 juillet 2011 à 11:16 par Sylvain.
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premiere partie de mon passage sur la cote ouest de Sumatra - Indonesie Sumatra part 2 Bukkitingi - Bengkulu 24.04 - 03.05.2011A partir de Bukkitingi, j'avais enfin la possibilite de soigner mon trajet et de quitter les axes principaux. Ma carte de l'Indonesie ne m'etait pas en cela d'une grande utilite, elle me permettait tout juste d'avoir une vue d'ensemble pour jauger ma progression et plus ou moins connaitre l'emplacement de petites villes. Les routes secondaires n'etaient pas toujours indiquees et quand c'etait le cas, le trace comportait enormement d'erreurs. A vrai dire, que ce soit a Bangkok, Kuala Lumpur et meme Singapour je n'avais jamais pu mettre la main sur une vraie carte de Sumatra (pour l'Indonesie, il n'y avait que celles de la minuscule ile de Bali et plus rarement certaines de Java), je me demandais meme si il en existait tout simplement ! En tout cas il semblait a peu pres evident qu'une route suivait tout le littoral ouest de Sumatra. Et a priori ce ne devait pas etre un axe trop frequente car passe Padang (la grosse ville par laquelle j'etais sense arrive depuis Bukkitingi) il n'y avait que Bengkulu, une ville de taille moyenne, sur plus de 1200 km de parcours. De toutes facons, c'etait la seule alternative a "l'autoroute" nord-sud donc le choix de l'itineraire fut vite decide !
Mais dans un premier temps j'avais l'opportunite de prendre un itineraire bis pour rejoindre Padang, une petite route qui faisait un detour vers un lac niche au creux d'un immense cratere volcanique avant de rejoindre la cote par une gorge. Malheureusement la poisse se chargeait de me rediriger sur la route classique. En effet apres quelques km en sortant de Bukkitingi, je cassais le support de la poignee de mon frein avant (en pilant devant une bagnole qui s'engageait devant moi au dernier moment a un carrefour, ca arrive tout le temps en Indonesie tout le monde se contrefout des velos). Je parvenais a faire un bricolage de fortune en saucissonant le support avec du fil de fer mais il etait clair que je ne pouvais plus me diriger vers le lac car il y avait une interminable descente en lacets bien raide sur plus de 800 m de denivelles. Je m'etais deja fait plusieurs frayeurs en descendant la route du col precedant Bukkitingi a devoir pratiquement freiner avec les pieds pour ne pas sortir de la route (avec le precipice a portee sans muret ni glissiere de securite c'est assez impressionant) ou me planter dans un poids lourd donc prendre la route du cratere etait du suicide. Naturellement j'aurais pu revenir en ville pour faire reparer mais j'aurais perdu ma journee a devoir attendre quelques heures que les commerces ouvrent, a tourner en rond pour chercher une boutique de velo puis a attendre la reparation ... avant que les nuages n'envahissent et que la pluie n'arrive. Tant pis, je choisissais de continuer par la route "conventionelle" avec sa descente plus proportionnee ...
Cette premiere partie de mon passage sur la cote ouest de Sumatra aura au moins tenu ses promesses question beaute et variete des paysages. Si la longue descente sur Padang etait plutot anecdotique, la suite fut plus ageable. Au sud de la ville, les reliefs commencaient des le bord de mer et les 200 premiers km consistaient a traverser toute une succession de criques separees par autant de cretes. Le littoral etait mon fil conducteur mais je passais mes journees a franchir des cols. Pas toujours eleves certes mais les montees etaient toujours assez raides et mises bout a bout, toutes ces ascensions me donnaient l'impression d'evoluer dans un secteur montagneux. En tout cas chacun de ses reliefs offraient une rupture bienvenue apres les zones d'habitations ininterrompues de bord de mer. Si les pentes et la foret dense n'etaient pas toujours propices au bivouac, je pouvais toujours compter sur quelques plantations de bananiers et de papayes pour m'arreter en soiree. Par la suite le littoral devenait entierement plat mais la route passait presque toujours sur les premiers reliefs a 5 ou 10 km de la grande bleue. A vrai dire, l'essentiel des villages etaient localises sur les bosses qui surplombaient la plaine cotiere, tout au long de la route comme d'habitude. Toutes les fois ou la route traversait de longs secteurs cotiers, il n'y avait que des plantations de cocotiers ou quelques rares bleds de pecheurs, mais dans l'ensemble c'etait plutot deserte. Le fait que la cote ouest de Sumatra soit tres exposee aux risques de tsunamis ne devait pas etre etranger a cette situation sans doute. En tout cas, c'etait plutot sympa a parcourir: il n'y avait personne et puis c'etait tout plat, chose ultra rare a Sumatra ! La traversee des zones vallonnees etait de suite moins plaisante car je retrouvais une configuration bien connue mais avec des desavantages inedits. En dehors des secteurs d'habitions qui s'etendaient sur 10 a 20 km, il n'y en avait que pour les plantations de palmes. C'etait la principale, pour ne pas dire l'unique activite dans le coin et la route donnait l'impression d'avoir ete tracee specifiquement pour faciliter l'acces aux eploitations. Concretement, il s'agissait perpetuelement de montees et descentes souvent tres raides car la route serpentait dans chaque vallon au lieu de suivre les lignes de cretes. Ces passages etaient particulierement penibles a aborder car il m'etait impossible d'adopter un rythme de progression avec mon lourd chargement. Les portions ultra raides etaient tres nombreuses egalement et je me retrouvais systematiquement a descendre pousser le velo juste pour une centaine de metres. Mais le probleme majeur c'etait bien souvent l'etat deplorable de la route: sur des secteurs entiers le revetement avait disparu et il fallait composer sur des empilements de galets ou dans des sillons de pneus traces dans la boue. Et comme toujours la faute en incombait aux poids lourds qui sillonaient les environs. Des camions bennes qui trimballaient les recoltes de noix de palme de toutes les plantations jusqu'a la premiere usine de pressage du coin. Et toujours en surcharge naturellement. Je passais mes journees a croiser des camions avec des quantites impressionantes de grappes de noix stockees: tres souvent le chargement depassait de 1 a 2 m au dessus de la benne, le tout ligote avec des cordages ! En general quand j'appercevais un convoi de camions pleins tandis que je traversais des secteurs ou la route etait niquee, je m'arretais faire une pause cloppe pour les laisser passer. A chaque fois je voyais les camions secoues de partout avec tout le merdier a l'arriere qui oscillait dangeureusement, c'etait assez flippant faut bien le dire. Un matin j'ai meme pu assister en direct au basculement sur le cote d'un de ces camions ... non sans satisfaction je dois bien l'avouer, mais personne n'etait blesse. Je crois que l'expression "scier la branche sur laquelle on est assis" resume assez bien la situation ! Les 150 derniers km avant Bengkulu les premiers reliefs commencaient a nouveau des le bords de mer et la route longeait a nouveau le littoral. Les pentes etaient moins raides et pedaler dans le coin devenait moins penible. La vue sur l'ocean Indien vallait le coup egalement avec ces interminables plages desertes bordees par la vegetation luxuriante.
Sous les tropiques il fait chaud et humide, c'est un fait. Mais pres de l'equateur c'est encore pire ! Heureusement j'evoluais en toute fin de saison humide et j'avais droit dans le pire des cas a de longues averses mais pas aux deluges de moussons. Cependant,il m'arrivait bien souvent d'accueillir la pluie avec plaisir voire de l'esperer (en journee seulement). C'est que pluie ou non, j'etais presque integralement trempe de la tete aux genoux. Au moindre effort des l'aube je commencais deja a ruisseler et ca ne s'arrangeait pas tout au long de la journee. Passe 9-10 h du mat le soleil cognait deja tres serieusement et la suee s'accentuait de plus en plus. En general, je transpire au niveau du dos, du torse et du visage mais presque pas sous la ceinture, meme avec un pantalon. Mais avec la gravite la sueur s'ecoulait jusqu'aux cuisses et je baignais dans mon jus en permanence ! Dans les montees ultra raides, quand je devais pousser peniblement le velo en plein cagnard, je voyais d'enormes gouttes couler continuelement le long de mes bras avant de tomber sur le sol: il y avait presque 2 lignes en pointilles sur la route apres mon passage ! Je crois bien n'avoir jamais autant transpire de la sorte dans mon existence, c'etait vraiment impressionant ! Et rien ne sechait. Le soir je retirais mes vetements pour dormir et les renfilais encore humides le lendemain matin. Regulierement je rincais mes sappes dans des cours d'eau ou aux robinets des mosquees desertes (quelquefois je pouvais les laver quand j'etais sur de ne pas avoir de visite) mais je n'avais quasiment jamais le luxe de porter des vetements secs. Le decalage avec les autochtones vetus de vestes (voire de manteaux le matin !!!) sur leurs scooters etait impressionant: meme integralement trempe je n'epprouvais pas le moindre frisson de fraicheur dans les descentes !
Autre aspect des zones tropicalesdont je n'avais pas encore parle auparavant: les bestiaux pas cools. En Thailande comme en Malaisie il ne restait que peu de veritables zones de forets vierges et les rencontres inopinees avec certaines bestioles pas tres sympathiques restaient rares. Il n'y a guere qu'au Cambodge que la chose etait frequente, notament lors de mon sejour dans la jungle pendant mon volontariat. A l'epoque je me souviens qu'il fallait toujours mettre un coup de pompe dans un tas de planches avant de s'en emparer, une fois sur deux un magnifique serpent fluo long comme ma jambe en sortait ! Des legions de fourmis s'invitaient perpetuelement a chaque repas et pillaient en moins de 2 le moindre nutriment laisse quelques mn sur une table tandis que des fourmis rouges toutes mastocs et agressives venaient chatier impitoyablement le malheureux qui tentait une sieste sur l'herbe. Les petits scorpions noirs (hyper venimeux) aimaient se planquer un peu partout et il fallait faire constament gaffe a ne jamais prendre un truc a l'aveuglette (j'avais eu un soir l'agreable surprise de trouver un de ces morbaques sur le dos de ma main tandis que je me saisissais d'un sachet de the, il ne m'avait pas pique mais j'avais du battre le record du monde du bond en arriere !). A Sumatra il y avait les memes bien entendu. La plupart des serpents que j'avais croise etaient ecrases sur la route mais il m'est arrive d'en appercevoir quelque uns bien vivants, et surtout bien massifs, se ballader sous des feuilles quand je m'arretais pour un break ou pour bivouaquer. A chaque fois il suffisait de s'arreter pour lui laisser le temps de foutre le camps. De toutes facons je vous garantis que lorsqu'on rencontre un de ces machins le dernier truc qui vous vient a l'esprit serait de l'asticoter avec un bout de bois ! Meme chose avec les lezards geants, sorte d'iguanes d'1m50 de long de la tete a la queue, qui degageaient aussi sec avec fracas des que je m'approchais trop par inadvertance ... ca fait un bien fou de voir des trucs pareils partir je vous assure ! Les bestioles que je ne pouvais pas encadrer c'etait les ... (j'ai oublie leur nom) , sorte de mille pattes geants cuirasses de 20 a 30 cm de long avec des mandibules enormes ... et ultra venimeuses de surccroit. Ces saloperies etaient particulierement rapides et agiles (elles pouvaient se dresser comme des serpents) et allaient se fourrer partout. J'en avais deja eu une qui s'etait introduite sous ma moustiquaire une nuit et qui se balladait sur mon sac. Les autochtones craignent particulierement ces petits monstres mais c'est surtout car ils sont toujours en sandales pieds nus, avec mes pompes de marche eviter la morsure etait plus facile ... les ecraser aussi ! Evidemment il y avait aussi les inevitables blattes nocturnes grosses comme le pouce qui aimaient aussi se fourrer sous ma moustiquaire en quete de nourriture. Mais il n'y avait rien a craindre en particulier d'elles (l'avantage d'avoir de la bouffe en boite ou en sachets fermes) a part se reveiller en sursaut quand un de ces maudits cafards se balladaient sur mes jambes ! Et enfin mes amis les moustiques. Comme au Cambodge, ils etaient present en masse a Sumatra, et potentielement porteurs du paludisme aussi. Pour qui ne s'est jamais rendu dans des zones forestieres tropicales, il est difficile d'imaginer a quel point ces merdes peuvent vous pourrir l'existence. De jour comme de nuit ils sont la, ils sont nombreux et ils ont la dalle ! Contrairement a nos moustiques de chez nous, plus vicieux, qui se planquent sous un lit ou derriere des rideaux pour passer a l'action quand on etteint la lumiere, les moustiques des forets tropicales ne se posent pas de questions et attaquent des qu'ils sentent la bidoche. Les moustiques de jour se posent partout et tentent leur chance en plantant leur trompe sur la peau comme sur les vetements. Le probleme, c'est qu'avec des vetements trempes de sueur plaques sur la peau, les moustiques reussissent leur coup presque une fois sur trois. Sinon les zones du corps non vetues et depourvues de poils ont beaucoup de succes comme les coudes en particulier et les doigts egalement. La nuit la moustiquaire fesait bien son boulot mais gare a ne pas toucher la toile avec un bras ou une jambe plus de quelques secondes car la punition ne tardait jamais ! Jusqu'en Chine, le drap de soie sur la peau bloquait bien les piqures mais en zone tropicale ca ne leur posait pas de probleme ! Ma moustiquaire etait un peu courte quand je dormais sur le dos mais heureusement ils n'arrivaient pas a percer a travers ma tignasse fournie ni ma plante de pieds recouverte de corme. Souvent ils essayaient de passer en force a travers les mailles de la moustiquaire et ca faisait un bordel pas possible quand il y en avait une bonne cinquantaine dans le coup. L'avantage, c'est qu'il etaient tres rares a reussir le passage et quand c'etait le cas ils n'etaient plus en etat de voler !
Mais quelque part je commencais a me demander si je ne preferais pas la compagnie de toutes ces bestioles que la plupart des autochtones qui me cassaient les couilles jour apres jour tout au long de mon voyage ... de Bukkitingi a Padang, la zone etait encore touristique et j'avais eu une "remission", mais en entrant dans l'arriere pays par la suite c'etait reparti de plus belle ! Plus de details dans le prochain episode !
Commentaires
Hahaha,j'ai beaucoup ri en lisant cet article.
J'aime ton sens du détail et ton humour à propos des bestioles ! J'admire ton courage, moi qui ne suis pas voyageur dans l'âme et qui ne peut pas dormir au moindre moustique dans les parages.
C'est un plaisir de lire tes aventures, je me demande si tu as pris des notes ou si tu as écris de mémoire, auquel cas c'est impressionnant et ça donne envie de se bouger : je manque de narration et il est clair que voir du paysage, c'est entrainer son cerveau à percevoir et à se souvenir ! En un mot, à vivre ! Bravo et merci.