Ecrit le jeudi 02 juin 2011 à 13:04 par Sylvain.
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Premiere etape de ma difficile traversee de l'ile de Sumatra, Indonesie - Sumatra part 1 Dumai - Bukkitingi 19.04 - 24.04.2011En posant le pied a Dumai, sur la cote nord est de l'ile de Sumatra, je pouvais commencer ma traversee de l'archipel indonesien, dernier pays asiatique avant l'immense Australie. Pour ce faire, j'avais obtenu au prealable un visa de 2 mois a Singapour, soit la plus longue duree possible pour un visa touristique (pas d'extension possible, la seule option etant de sortir du pays et d'y retourner). J'avais suffisament de temps pour une traversee "classique", a savoir Sumatra, Java puis Bali avant de prendre un avion pour Darwin au nord ouest de l'Australie. Oui, l'avion et pas le bateau comme je l'aurais souhaite. L'Indonesie est un pays particulierement complique sur le plan consulaire et geographique de surccroit, y realiser un parcours a peu de frais est chose difficile (voir la fiche pays). Il y a quelques annees les autorites indonesiennes ont eu l'ambition de cibler une certaine categorie de touristes (avec des resultats assez catastrophiques il faut bien le dire, n'est pas la Thailande qui veut) et rien n'est prevu pour qui desire sortir des sentiers battus.
Pour etre honnete, j'apprehendais pas mal l'Indonesie avant meme d'y entrer. Pour la premiere fois depuis que j'avais quitte le France 3 ans plus tot j'entrais presque a reculon dans un pays. Tout ce que j'avais pu lire et entendre a droite et a gauche au sujet de l'Indonesie ne laissait rien augurer de bon: voyager en circuit organise ou meme en "routard" a budget moyen est une chose, proceder en vagabond autonome en est une autre et le pays ne se prettait pas idealement a cet exercice ... avec le recul, le moins que l'on puisse dire etait que mes craintes etaient fondees.
Mais commencons par le commencement: je debarquais du ferry a Dumai, petite ville portuaire de la province de Riau vers midi et me mettais directement en branle vers le sud ouest sur l'unique route disponible. Pour vous situer un peu, l'ile de Sumatra est une sorte de gros concombre avec une longue chaine de montagnes volcaniques nord sud globalement excentree sur la cote ouest. La partie est de l'ile est globalement constituee de plaines maraicageuses cote littoral puis de petits vallons jusqu'aux premiers vrais reliefs du centre. Sumatra n'est pas vraiment une ile particulierement peuplee ni tres develloppee, l'essentiel de la population se retrouve dans les quelques grandes villes portuaires et tout au long de l'axe routier principal nord sud qui relie Medan a Bandar Lampung. Je n'avais pas l'intention de traverser Sumatra par cette route: en gros je voullais rejoindre Bukkitingi au centre de l'ile avant de passer definitevement sur la cote ouest jusqu'a l'extremite sud et Bandar Lampung. Je m'etais donne un bon mois pour realiser ce trajet.Dans un premier temps, il me fallait donc quitter le littoral est et pedaler quelque chose comme 600km dans l'est de l'ile.
A peine arrive en Indonesie, la difference avec la Malaisie etait frappante: ca fleurait bon le tiers monde ! Plus question de beaux quartiers residentiels rutilants mais plutot de barraques en bois et en tole comparables a celles vues au Cambodge, la chaussee montrait de serieux signes de faiblesses avec pas mal de nids de poules, les infrastrucures industrielles du port parfumaient d'une odeur pestillencielle les environs, la circulation routiere etait beaucoup plus anarchique avec enormement de camions et de scooters dont une bonne partie foncaient comme des tares en klaxonnant a tout va et puis le retour en force des "galeriens" de bord de route. J'avais surnomme depuis longtemps comme "galeriens" tout les clampins qui vivent au bord de la route comme les vendeurs de fruits (de l'etal garni a celui qui trone derriere un bout de planche avec quelques bananes dessus), les micro garages pour routiers (generalement une cabanne en tole graisseuse avec quelques pneus, un compresseur, des bidons d'huile et outils), les cabanes restaurant et puis tout les commercants en tout genre qui vendent des snacks, de l'essence dans des bouteilles en plastique d'1,5 L ... bref des gens qui cherchent a gagner leur vie mais qui passent leurs journees a contempler la route et qui partent en frenesie quand ils appercoivent un pauvre con comme moi sur son velo ! Et il y a du monde tout au long des routes sur Sumatra, presque uniquement la d'ailleurs: c'est la configuration "village perpetuel" avec toutes les habitations construites en continu a moins de 10 m de la chaussee, les champs et les plantations derriere et enfin la foret en arriere plan. Le truc c'est que les indonesiens ils aiment bien les etrangers qui passent devant chez eux (ca doit pas arriver souvent) et le font savoir en te criant un "hello mister" (dans les 3/4 des cas, mais il y a des variantes avec des villages ou les gens crient "good morning" a toute heure de la journee, "goodbye", "i love you" ou des trucs incomprehensibles ressemblant vaguement a de l'anglais et qui sont senses vouloir dire quelque chose). Je veux dire, tout le monde ou presque et bien entendu ils exigent tous un "coucou" en retour ... au bout de 8h c'est tres fatiguant surtout quand il n'y a presque pas moyen de s'arreter quelquepart sans qu'un "galerien" ne vous saute dessus ! Et puis il y a mes preferes, soit pres d'un quart des clampins de bord de route: ceux qui t'interpelent en te hurlant dessus "hey" , "ho" comme si t'etais un vieux pote, genre "arretes toi, pour me faire la conversation, meme si on parle pas la meme langue", et qui ne lachent pas l'affaire en insistant quand bien meme je l'ignore. Sur du plat c'est pas trop genant, a part pour les oreilles, car je passe assez vite mais quand je grimpe une cote bien raide au ralenti en soufflant comme un boeuf et qu'un ou plusieurs de ces glands decident d'etablir la communication a tout prix, je vous garanti que ca devient vite tres, tres usant ...
Autre charme de cette route: le trafic routier et en particulier de poids lourds. Dumai est une ville portuaire et forcement cela entraine un important trafic de camions sur les 600 km, a flux tendu et de jour comme de nuit pour ainsi dire. Il faut s'imaginer une route departementale large de 5 a 6 m selon les passages avec une circulation de semi remorques en continu dans les 2 sens digne d'une sortie de chantier ! Mais pour agrementer un peu plus ce paisible voyage, il faut aussi composer avec une route tres regulierement defoncee ou les nids de poules cotoient les nids d'autruches mais aussi et surtout avec l'interpretation du code de la route en Indonesie ... Je pensais avoir connu le pire en la matiere en Chine (et d'une certaine maniere au Cambodge aussi) mais j'etais loin du compte ! En gros dans la hierarchie routiere, un velo est la derniere des merdes: tu degages quand je passe un point c'est tout. Bien entendu tout ce petit monde aime foncer a bloc et use et abuse du klaxxon en lieu et place des freins. Seule (maigre) amelioration par rapport a la Chine: les conducteurs klaxonnent plus brievement et surtout le volume est moins assourdissant (les modeles japonais ont pratiquement le monopole en Indonesie). Je devais etre vigilant a 200% pour ne pas finir sous des pneus, le danger venait de partout: les camions qui depassent en trombe en me frollant, les vehicules qui deboitent en face pour doubler et qui ne cherchent pas a se rabattre et bien entendu la route avec quelquefois de veritables crateres ! Combien de fois j'ai eu droit a des depassements de camions dont le chaufeur et ses passagers prennaient le temps de me hurler un "hello mister" avant de me faire une queue de poisson puis une petite reprise histoire que je me bouffe une bonne soufflette de gaz d'echappements noire comme du charbon ... Le plus incroyable dans tout ca c'etait que les routiers etaient vraiment les rois du petrole sur les routes indonesiennes. Manifestement, le fait de faire vivre la plupart des "galeriens" et d'etre sans doute un des principaux vecteurs du devellopement economique du pays leur conferait presque tout les droits sur le bitume: rouler en surcharge et niquer toujours un peu plus la route, se garer en plein sur la chaussee sans faire l'effort de se rabattre un minimum sur le bas cote et provoquer des ralentissements et des embouteillages et bien entendu conduire comme des anes. Pendant ma premiere semaine a Sumatra il n'y a pas eu un seul jour sans que je ne croise des camions accidentes sur ma route: 2 gros cubes encastres l'un dans l'autre suite a un choc frontal, d'autres couches sur le bas cote avec toute la cargaison rependue au sol ou mieux encore, des semi remorques entres en collision avec les freles habitations de bord de route labourant tout sur leur passage ... avec le recul je me dis que j'aurais du prendre des photos ! Heureusement, passe Pekanbaru a mi parcours, le trafic de poids lourds avait diminue de moitie mais pedaler sur cette route restait neanmoins tres penible.
Bivouaquer peinard le soir n'etait pas une mince affaire non plus. Pour commencer il me fallait trouver un endroit depourvu d'habitations a proximite ou parvenir a entrer discretement dans les plantations de palmes des secteurs a collines. Dans tout les cas, si je me faisais reperer je pouvais faire une croix sur la tranquilite avec des floppees d'emmerdeurs qui venaient me rendre visite a toute heure (a 2 reprises j'ai eu droit a des casses couilles entre 2 et 4h du mat) en rappliquant sur leurs foutus scooters. Apres de longues journees a me faire crier dessus et a tacher de survivre sur la route, je vous garantis que je n'etais pas dispose a me farcir le bal des curieux au moment ou je pouvais enfin prendre du repos. Je leur reservais un accueil plutot glacial pour ne pas dire agressif pour les faire degager. Je n'evoluais plus dans un univers de logique, seul l'instinct dominait desormais: d'un cote des clampins pas vraiment mechants mais qui ne cherchaient qu'a assouvir leur curiosite a tout prix et moi de l'autre qui ne desirait simplement qu'on me foute la paix une bonne fois pour toutes. Que je sache, dans n'importe quelle societe on ne vient pas reveiller un inconnu qui dort ou reluquer stupidement un type qui va chier ou se douche a poil ... mais manifestement dans mon cas toutes ces regles n'avaient plus cours. Dans ces conditions toute tentative de communication est vaine, seule l'agressivite manifeste semblait leur faire prendre conscience qu'ils depassaient les bornes. A vrai dire il n'y a guere qu'en approchant de Bukkitingi, secteur plutot touristique, que j'ai pu avoir un peu plus la paix: les gens du coins etaient probablement plus habitues a voir des occidentaux et je cessais d'etre une "attraction" de fait.
Question paysages, la partie est de Sumatra n'etait pas forcement desagreable en faisant abstraction du premier rideau d'habitations qui bordait la route. En premier lieu les mangroves et les maraicages de la zone littorale presentaient une esthetique assez seduisante. Par la suite les collines du secteur en amont de Pekanbaru etaient essentielement plantees de palmeraies et forcement je retrouvais une configuration deja vue en Malaisie donc moins interessante. Circuler dans ces vallons n'etait pas particulierement chose aisee car la route n'etait que successions de montees et descentes plutot raides, d'autant qu'il fallait composer avec l'enorme trafic routier. Par contre les secteurs montagneux entre Bangkinang et Payakhumbu avaient beaucoup plus de charme. Les environs etaient bien plus sauvages (a l'exception du bord de route evidemment) et la foret vierge occupait la plupart des reliefs. Quand l'espace d'un moment, aucun poid lourd ou scooter ne passait par la je pouvais brievement profiter des odeurs de la foret et des cris des singes perches sur leurs arbres ... Je me souviens neanmoins d'une longue ascension d'une trentaine de km d'un col perche a un peu moins de 2000m ou le moindre creux dans chaque virage de la route etait occupe par des "galeriens". Le cadre etait plutot sympathique et la cote etait juste suffisament raide pour que je puisse pedaler mais ce passage etait vraiment infernal: "Hello mister" "VRRRRRR" (avec gros nuage noir toxique de camion), "biiiiiiiiiiiip" "Hello mister" (scooter), "HEY, HO, MISTER, MISTER" (galerien de bord de route), "BIP, BIP, BIP" "VRRRRRRRRR" (et re nuage noir de poids lourds), "MISTER, MISTER, HEY, HEY !" (le meme galerien qui ne lache pas l'affaire, rejoint par un autre pour l'occasion), "Biiip, Biiiiiiip" (un autre scooter) ... et ainsi de suite pendant 5h !!! Enfin de Payakhumbu a Bukkitingi il n'etait plus question que d'immenses plateaux et calderas volcaniques. Les terres etant plates et particulierement fertiles en ces lieux, et l'eau presente en abondance egalement, les paysages etaient occupees par les rizieres. Bien plus esthetiques que les simples rizieres des secteurs de plaine ou cotieres car encerclees de falaises abruptes cela dit.
Meme avec mon appareil photo neuf, je n'ai pas vraiment pris de cliches pendant cette semaine. J'avais un peu perdu l'habitude avec l'ancien reste en panne pendant pres de 3 mois mais surtout ca me gonfflait de m'arreter et de me retrouver automatiquement encercle de galeriens pendant que je prennais une photo ... il fallait que ca change lors des prochaines semaines !
Juste pour la petite histoire, je franchissais l'equateur le jour ou je redescendais sur Bukkitingi. Concretement ca ne changeait pas grand chose, il faisait toujours aussi chaud a crever (enfin un peu moins a Bukkitingi qui etait a 1100m d'altitude) mais je passais ainsi directement du milieu du printemps a la derniere moitie de l'automne austral ... un detail sans doute mais quelque mois plus tard j'allais aborder le desert australien en hivers, toujours bon a prendre !
Commentaires
Merci Sylvain!
Tu nous fais vivre de bons moments à nous, toujours dans notre monotonie française et avoir de grands récits comme ça est vraiment une chance pour nous!
Merci encore et bon courage à toi!
salut sylvain, dis donc, on a presque l´impression que ta mysanthropie va grandissant au fil des kilometres que tu parcoures... vu d´ici (nous ca y est, on est deja en Colombie...) c´est plutot marrant... hehehe. Bon, j´ai une bonne nouvelle pour toi, on a un tuyau pour une traversee du pacifique a la voile cet hiver... je t´envoie les infos via couch surfing.
hasta luego amigo... younnecloe.
Salut Sylvain,
J'ai cru comprendre que tu avais un visa d'un an pour l'Australie. Pas de bob yak pour le vélo alors ??
Tu va rechausser les chaussures de marches.
La bise. Profites bien.
salut tout le monde,
Ouais ca a pas ete toujours la fete en Indonesie, je peux pas vraiment dire que j'ai apprecie le pays.
Je ne pourrais pas me rappeler le nombre de fois ou j'ai du hurler "putain, je hais ce pays !"
Les autres parties concernant l'Indonesie, que ce soit a Sumatra, Java ou Bali ne feront pas la promotion du tourisme la bas !
M'enfin, une mauvaise experience ca reste une experience interessante tout de meme. Si tout est trop facile et que tout se passe a merveille je commence a m'emmerder ! C'est pas que je sois masochiste mais j'adore raler et c'est toujours dans les moments les plus difficiles que je puise l'energie pour aller de l'avant !
En ce qui concerne la mysanthropie ca devrait s'arranger car je vais d'ici peu de temps traverser la grande et desertique Australie a pied. Ca fait un moment que j'attendais ca !
Je vais enfin lourder mon velo et retourner aux premiers amours: la bonne vielle marche a pied sac sur le dos (et charriot derriere moi, ca sera la nouveaute).
Oui ca sera une sorte de remorque pour velo a 2 roues (pas la BobYack finalement) que je vais bricoler a Darwin pour la trainer comme pieton. Enfin c'est le but, je l'ai deja commandee sur e bay Australie et elle va etre livree chez un contact de Couchsurfing ... j'espere que ca sera pas un truc trop pourri !
Je ne crache pas sur le velo, il m'a bien rendu service cette annee passee, mais etre prisonnier d'une route c'est penible a la longue. en particulier dans des pays ou les concitoyens les plus "brillants" y passent leur existence ... et s'evertuent a pourrir la mienne (ou a voulloir y mettre un terme comme les conducteurs de camions)!
En tout cas merci de me rencarder sur les plans pour traverser le pacifique. A vrai dire je suis sense rester en Australie jusqu'au printemps prochain mais je n'ai aucune idee du temps que va me prendre reelement cette traversee, ca pourrait bien coller si j'arrive sur la cote est australienne a la fin de l'annee.
voila !
Bonjour Sylvain,
Je me présente vite fait, Franck 33 ans de la Haute-Normandie. Je suis tes récits depuis plusieurs mois et je prend un réel plaisir a te lire, j'ai découvert ton site en faisant des recherches sur les longues marches sur le globe car a la fin du mois je part pour un périple en solo, autonomie complète, certes a beaucoup plus petite échelle que toi (je me permet de te tutoyer) mais j'ai vraiment hâte de découvrir de magnifiques paysages et faire de belles rencontres.
Je part donc de Lorient, le Morbihan, longe tout le littoral atlantique, un petit tour en Espagne ensuite traversé des pyrénées, enfin je vais surtout les longer (je me ferais quand même des marches et bivouacs en altitude) pour rejoindre le littoral méditerranéen et direction Nice ensuite selon mes envies et la durée de mon périple je remonte par le centre de la France.
J'envisage dans quelques années, le temps de faire des tunes et perfectionner mon anglais de partir sur "tes traces".
J'espère ne pas avoir trop parlé de moi dans ce commentaire mais je me sentais obligé d'expliquer mon projet.
Je te souhait que du bon pour la suite de ta route et j'essayerais sur le chemin de suivre tes récits.
Bye Sylvain. "On The Road Again"
bin merci aussi hein,
tiens, un trentenaire qui part ^^!
marcher en Europe ou meme en France ca reste un tres bon trip. faut quand meme le dire, on a la chance d'avoir un pays magnifique avec pleins d'endroits charges d'histoire !
c'est pas forcement une destination tres economique mais bon au moins tu seras pas emmerde avec des visas !
profites bien !
Sylvain