la marche salee

premiers jours de marche en Ouzbekistan, Ouzbekistan premiere partie 25/03 → 28/03/2010 Farab → Bukhara

Une fois la frontiere franchie, je reprend aussitôt la marche. Plus d'un mois sans marcher depuis que je m'etais arrete a Sarakhs en Iran, il me tardait de recommencer a nouveau. Apres la petite suee lors du franchissement du poste frontiere turkmene, le passage de celui de l'Ouzbekistan fut presque une formalite a un detail pres. En effet j'ai choppe la creve a Ashgabat en marchant toute une journee sous une pluie battante a la recherche d'une hypothétique banque qui acceptait ma CB (en vain soit dit en passant) et je n'ai pas specialement bonne mine. Le premier personne que je rencontre a la frontiere est un type en blouse blanche qui me regarde de maniere suspicieuse et me demande: «grippa ?». Fort heureusement, apres contrôle de temperature l'officier sanitaire se detend (on vous place une sorte de machin qui ressemble a un lecteur de code barre de supermarche sur le front, c'est la premiere fois que je vois un truc pareil). La traversee des 2 km de no man's land avec un vent frais de face m'avait bien raffraichi la cafetiere, du coup pas de quarantaine par presemption ! Bref je suis entre en Ouzbekistan et je dois y sejourner 29 jours jusqu'au 22 avril exactement, date a laquelle je dois egalement entrer au Tadjikistan.

La principale et récurrente preoccupation quand on est en Ouzbekistan, c'est de composer avec leur putain de politique d'enregistrement systematique a l'OVIR, heritage de l'ex union sovietique que le regime actuel (le meme que depuis l'independance en 1991) a conserve pour asseoir sont autorite et racketter le maximum de gens. Meme la population locale y est soumise quand ils s'eloignent plus de 3 jours de leur domicile ! Theoriquement on a 72h apres l'entree sur le territoire pour s'enregistrer et ensuite c'est tout les soirs jusqu'au dernier jour dans le pays. Concretement, il s'agit pour les etrangers d'aller dormir dans des hotels ou pensions qui vont eux-meme vous enregistrer a la police specifique ou l'OVIR (ou les enculés comme je les appelle). Se rendre soi-meme chez eux est plutot deconseille car d'une part ils refuseront de vous enregistrer et puis c'est aussi se jeter dans la gueule du loup en attirant l'attention sur soi (beaucoup de forums internet regorgent de temoignages de personnes qui se sont casses les dents aupres de types rarement honnetes). C'est tout de meme un probleme majeur quand on voyage a pieds car il n'y a des etablisssements accredites que dans les villes et que ca coute une fortune. Le risque si l'on passe outre est de se faire chopper lors d'un contrôle de l'OVIR et de devoir payer une ammende faramineuse de 800$ … C'est dire a quel point cette reglementation a la mord moi le noeud va m'empoisonner la vie pendant tout mon sejour dans le pays, car je vais bien entendu choisir d'etre «hors-la-loi» et de pioncer loin des regards indiscrets avec ma tente. En attendant, j'ai 72 h de tranquilite relative et un peu moins de 100 bornes pour rejoindre Bukhara ou je devais retrouver les amis rencontres a Ashgabat. Pour ce faire, je vais marcher le long du grand canal qui alimente Bukhara en eau puis ensuite les 2 prochains jours a cote de la voie ferree. Aucuns problemes pour dormir discretement avec la tente car il suffit de s'eloigner d'a peine quelques centaines de metres du canal pour retrouver le desert. ou une espece de steppe sans arbre completement aride.

Les habitants du coin sont masses le long du canal et en preleve l'eau pour une agriculture essentielement vivriere. Certains boivent meme l'eau du canal car il n'y a que celle la de disponible. Autant dire que mon filtre a eau me fut d'une enorme utilite car je ne suis pas sur que mon organisme, pourtant bien rode, puisse tolerer ces eaux saumatres que les gosses boivent telle quelle ! D'autant plus que bien qu'il ne soit encore que fin mars, le soleil cogne suffisament pour que j'ecluse quotidiennement plus de 4 litres par jour. Autre detail d'imporance, toute les zones desertiques a proximite du grand canal sont recouvertes d'une croute de sel en surface, tel un manteau blanc semblable a de la neige vu de loin. J'avais vu quelques annees auparavant des cartes sur internet representant la polution en Asie centrale et pratiquement tout le sud d l'Ouzbekistan etait indique comme pollue par une salinisation des sols consecutive a la surexploitation agricole du siecle dernier … c'est donc cela. J'avais deja constate quelques petites taches de sel dans le nord est de l'Iran mais ici c'est une epaisse et interminable couche a perte de vue. J'ai eu tout le loisir d'appréhender le probleme, mon 3eme jour, tandis qu'un violent vent du nord me projetait regulierement dans la face un savoureux melange de sable et de sel … ca pique bordel !

Cela dit, evoluer le long de la voie ferree n'etait pas si deplaisant en soi: premierement ca permet d'avancer facilement sans risque de se perdre quand on n'a pas de carte autrement qu'en se contentant de suivre la route, ensuite cela facilite grandement le franchissement de tout les canaux secondaires rencontres et enfin cela facilite le contact avec une population qui n'est pas blasee par les touristes occidentaux comme c'est le cas sur l'axe routier Farab-Bukhara. Je me souviens notamment d'une bonne biture a la vodka avec un cheminot a la retraite et ses fils: tandis que je passais devant sa barraque, le papy viens me chercher pour boire un the … mais 15 mn plus tard, son fils aine revenait avec 2 bouteilles de vodka ouzbekes et les toasts de s'enchainer les uns apres les autres. Il y avait longtemps que je n'avais pas eu l'occasion de marcher a moitie torché, au moins plus de 6 mois, du temps de l'epoque benie de mon passage en Georgie !

Arrive a Bukhara, je retrouve Michel Angelo, le voyageur italien rencontre a Ashgabat. Il insiste pour que je reste 1 jour a Bukhara car il a l'intention de marcher en ma companie quelques jours par la suite. Ma foi pourquoi pas, apres tout ca me changera. Ca me laissera le temps de visiter la ville avant de repartir vers l'est. J'ai eu donc tout le loisir de me promener dans cette fort belle cite et d'apprecier ses monuments d'inspiration persanne. Essentielement des Madrassas, des universites coraniques en nombre impressionnant, qui a l'exception des plus touristiques et majestueuses sont plus ou moins dans un etat de delabrement relatif. A l'epoque sovietique l'enseignement religieux etait prohibe et l'entretien de ces batisses n'etait bien entendu pas une priorite. Cela dit, la ville, du moins son centre historique, conserve un cachet plutot sympathique tandis qu'autour l'interet est bien plus anecdotique avec ces grandes avenues typiquement sovietiques, concues pour accueillir les parades militaires. Une etape interessante, et avec le recul, sans doute la ville la plus attirante du pays malgre son caractere ultra touristique.

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